Au terme de chaque année, on se dit : déjà ! Mais cette fois, c’est ouf ! Tournons cette page 2015.
Beaucoup de poètes ont écrit sur le temps qui passe. C’est le cas avec celui que j’ai le grand privilège de dire depuis plusieurs années : Apollinaire. Le jouer à Paris en ces mois de novembre tragique et décembre fut ardu mais aussi une envie de rester debout, comme une profonde peine dans laquelle est venue se lover une indicible joie. À savoir le plaisir de dire encore et encore ces mots, car ayant plus d’acuité, prenant davantage racine et sens, signifiant solidarité et résistance… Les spectateurs nous ont témoigné force encouragements et cette réalité concrétise l’objectif majeur du spectacle vivant : celui de rassembler en poésie des êtres humains doués de raison et de passion, et donc aussi de paix…
Et puis, le travail du comédien s’avère au final presque trop manifeste lorsqu’il s’agit de livrer l’extrait de son poème-testament « La jolie rousse », datant de près d’un siècle :
Je sais d’ancien et de nouveau autant qu’un homme seul pourrait des deux savoir
Et sans m’inquiéter aujourd’hui de cette guerre
Entre nous et pour nous mes amis
Je juge cette longue querelle de la tradition et de l’invention
De l’Ordre et de l’Aventure
Vous dont la bouche est faite à l’image de celle de Dieu
Bouche qui est l’ordre même
Soyez indulgents quand vous nous comparez
À ceux qui furent la perfection de l’ordre
Nous qui quêtons partout l’aventure
Nous ne sommes pas vos ennemis
Nous voulons vous donner de vastes et d’étranges domaines
Où le mystère en fleurs s’offre à qui veut le cueillir
Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues
Mille phantasmes impondérables
Auxquels il faut donner de la réalité…
Que les couleurs et senteurs des fleurs de 2016 vous soient les plus douces et fructueuses.
Bonne année !
Ch. Sterne