Gazette trimestrielle gratuite des fous de bassan!
Avril/Juin 2017 - n°52
Pour une fois inversons citation et édito : À la suite du Printemps des poètes et en ces temps préliminaires, la parole de son Président me parait tout à fait pertinente et propice…
Ch. Sterne
D’abord la poésie, ce n’est pas ce que vous croyez. Vous ne croyez rien ? Eh bien si, justement, sinon vous ne feriez pas, quand on vous propose de lire un poème, ces têtes de légionnaires romains à qui le centurion Jenpeuplus demande d’aller se frotter aux Gaulois. La poésie, ce n’est pas du joli-doux-mignon qui servirait à cacher, comme un parfum délicat, la misère, la tristesse et le souci. Elle ne cherche pas à déguiser la vie sous de belles parures. Au contraire, elle met la vie à nu et nous la montre telle qu’elle est, sans mensonge, rude et douce, chaude et froide, brève et immense. La poésie ne veut pas vous distraire ou vous divertir, c’est-à-dire vous aider à oublier les choses graves. Au contraire, elle ne vous parle que des choses graves, elle vous parle, les yeux dans les yeux, de ce dont personne n’ose vous parler, sauf peut-être vos meilleurs amis, parce que justement, c’est trop grave : la mort qui rôde autour de vous, le désir qui fait trembler les doigts, le terrible silence du ciel dans la nuit, le rêve d’un baiser, la solitude dont on ne sort pas, ce grand silence au fond de soi dont on ne sait que faire, la joie étrange, stupéfiante, de se sentir soudain heureux pour rien dans le soleil. Soyez-en sûrs : la poésie n’est pas une berceuse, elle n’a pas de précautions, elle va droit au but et met les pieds dans le plat de l’existence.
N’attendez pas de la poésie des vérités toutes cuites, toutes prêtes, bonnes à croire. Elle ne fait pas la morale. Elle ne dit pas, comme trop de gens : « Moi je sais, faut faire comme ci, comme ça, etc. » Elle hésite, elle questionne, elle s’interroge, elle est inquiète, comme vous, de ce qu’elle ne comprend pas. Mais c’est une inquiétude heureuse le plus souvent parce que la vie bouge, qu’on n’en a jamais fini avec l’inconnu, qu’il y a toujours du neuf, que l’histoire de chacun et l’histoire de tous sont multiples et infinies comme là-haut les troupeaux d’étoiles.
Pour tout dire, c’est ça, la poésie, d’abord et surtout : une questionneuse enragée.
Jean-Pierre SIMEON (extrait de Aïe ! Un poète – Cheyne éditeur)
les fous de bassan !
18 rue Julie Lour - BP 113
45190 BEAUGENCY
Tel : 02 38 44 95 95 / Fax : 02 22 44 11 95